8-22 mai 2019
La troisième édition du Paris-Francfort Fellowship organisé par le BIEF, la Foire du livre de Francfort et Pro Helvetia a amené les participants à Francfort, Cologne et Paris. Retour sur ces quelques jours riches en échanges et en rencontres.
"Ce fut très intéressant d’avoir une vue d’ensemble des marchés français et allemand mais aussi de rentrer en contact avec d’autres acteurs de la chaîne du livre avec qui nous n’interagissons pas d’habitude", a déclaré Marianne Idrac, participante française au programme. L'interprofessionnalité, c’est effectivement ce qui rend ce programme si particulier et enrichissant pour les jeunes professionnels du livre. Travaillant dans des maisons d’édition en tant qu’éditeur, responsable de l’événementiel ou des relations presse, en librairie ou en médiathèque, les participants avaient l’occasion d’apprendre des uns des autres et de se constituer un réseau de professionnels partageant le même amour pour les livres et un intérêt prononcé pour la France et l’Allemagne.
S’il y a aujourd’hui beaucoup d’échanges entre ces deux pays dans tous les domaines du livre, les deux marchés se distinguent par bien des aspects. À commencer par la place des agents littéraires, comme l’explique Pierre Astier, sacré "Meilleur agent littéraire international" à la Foire de Londres 2019, "l’agent doit être un plus, pas un moins, mais cette idée est encore peu acceptée en France". En Allemagne, le métier d’agent est plus valorisé, les éditeurs disent qu’ils ont de moins en moins de temps à consacrer aux auteurs dans un contexte de hausse de la production. En Allemagne, il est naturel qu’un agent travaille sur les manuscrits avant d’être entre les mains des éditeurs. Les éditeurs français préfèrent le plus souvent travailler directement avec les auteurs.
"On a l’impression que la BD reste un genre pour enfants en Allemagne"
Autre différence : une culture BD beaucoup plus importante en France qu’outre-Rhin comme l’ont constaté les participants lors de leurs visites en librairie à Cologne et à Paris. "On a l’impression que la BD reste un genre pour enfants en Allemagne", constate l'un des participants, Clément Bénech. Cependant les éditeurs allemands sont de gros acheteurs de droits, "le troisième marché européen" selon Laurent Muller et Sophie Langlais, respectivement directeur du département BD et responsable des droits étrangers des Arènes, rencontrés par le groupe au BIEF. La France achète certes moins de droits à l’Allemagne mais des maisons comme Reprodukt, visitée par les participants lors de leur séjour en Allemagne, sont tout de même reconnues et appréciées par les éditeurs français.
"L’Allemagne est un marché très exigeant pour les sciences humaines"
À la demande des participants spécialisés en sciences humaines, une rencontre avec l’équipe des éditions La Découverte a été organisée. Gwenaëlle Aupetit, chargée des droits étrangers, estime que l’Allemagne est un marché très exigeant pour les sciences humaines : "Il est presque aussi difficile de vendre des droits aux Allemands qu’aux Britanniques."
Du côté des libraires rencontrés, Pascal Thuot, directeur de la librairie Millepages, s’étonne de la faible place accordée à la littérature dite "européenne" et notamment à la littérature allemande dans les librairies françaises : "L’Allemagne est quand même le pays de la littérature européenne, une véritable plaque tournante des idées, absolument incontournable". Entre les murs de cette librairie vincennoise qui réserve une large place à la littérature étrangère, les fellows ont rencontré Olivier Mannoni, qui a récemment traduit de l’allemand La Capitale de Robert Menasse.
"Cela peut donner des idées pour la suite"
Également au programme : une rencontre avec Charlotte Jaillot, responsable des relations avec les libraires et les bibliothécaires chez Albin Michel Jeunesse, une visite de la Sodis et de la BNF et une rencontre avec Béatrix Foisil-Penther, scout littéraire qui déniche des titres français pour une dizaine de maisons d’édition basées en Allemagne et en Italie. "Je ne connaissais pas du tout ce métier" explique Laura Simon, éditrice suisse, "cela peut donner des idées pour la suite." "Pour nous qui sommes encore au début de notre carrière, toutes ces découvertes viennent au bon moment, cela aide à nous orienter", ajoute de son côté Tabea Horst, éditrice junior allemande qui termine sa formation chez Ullstein.
Les participants allemands, qui percevaient l’édition française comme étant plus frileuse que l’édition allemande à propos des innovations numériques, ont été surpris de découvrir Le Labo de l’édition. Plusieurs projets portés par cet organisme y ont été présentés, tel Tuttistori, un logiciel éducatif permettant aux enfants d’écrire et d’éditer leurs histoires. L’Allemagne est d’ailleurs le premier client de cette start-up qui encourage les projets d’écriture collaborative entre écoles françaises et allemandes. "Il y a les deux extrêmes en France, d’un côté les gens qui défendent bec et ongle le livre papier avec un discours parfois un peu old school et de l’autre côté il y a ce labo où tout tourne autour de l’innovation digitale", s’étonne Felix Lang qui termine sa formation en édition non-fiction chez Suhrkamp.
"Une immersion dans l’édition allemande"
En Allemagne, la Foire de Francfort a permis aux participants de visiter des librairies, la Bibliothèque nationale, l’agence littéraire Copywrite ainsi que de rencontrer des éditeurs de chez Fischer, Taschen ou Kiepenheuer & Witsch. Cela a permis "une immersion dans l’édition allemande", selon la libraire suisse Cyrielle Cordt-Moller.
Ainsi, grâce à ces deux semaines au contact de différents acteurs de la chaîne du livre en France et en Allemagne, les participants du Paris-Francfort Fellowship 2019 repartent avec de nouvelles perspectives pour leur avenir professionnel.