Grâce au soutien de Pro Helvetia, le Paris-Francfort Fellowship est désormais également ouvert aux jeunes professionnels du livre suisse. Ainsi l’éditrice suisse germanophone Laura Simon et la libraire suisse francophone Cyrielle Cordt-Moller ont participé au programme cette année. Voici leurs impressions.
Laura Simon : "Pour moi le Paris-Francfort Fellowship est une belle occasion de comprendre d’une part la France et l’Allemagne, deux pays déjà différents de la Suisse, mais également de mieux comprendre le marché du livre en Suisse romande qui s’assimile plus au fonctionnement du marché du livre français. Il n’y a pas trop de contacts entre les professionnels du livre suisses romands et suisses alémaniques. Chez Helvetiq, une maison d’édition basée à Bâle et à Lausanne, on essaie de faire du lien, on publie dans les deux langues et dans les deux régions, mais souvent on se heurte à des blocages."
Cyrielle Cordt-Moller : "En tant que libraire j’ai un peu plus de contact avec mes collègues suisses germanophones car je travaille à la fois avec les Barsortiment suisses (grossistes) et avec les fournisseurs francophones pour commander des livres. Mais souvent l’échange reste assez technique. Grâce à ce programme, on met en comparaison, c’est très intéressant d’avoir cette vue d’ensemble. Connaître le fonctionnement de ses partenaires rend le travail plus simple."
BIEF : Au-delà de ce rapprochement entre professionnels du livre suisses, qu’est-ce que ce programme vous a apporté ?
Laura Simon : "Le programme m’a ouvert plusieurs portes. J’ai découvert plein de métiers du livre. Celui de libraire m’intéresse particulièrement car les libraires lisent beaucoup plus que les éditeurs. J’en ai parlé avec plusieurs éditeurs dans le groupe et beaucoup m’ont dit que depuis qu’ils sont dans l’édition, ils ne lisent plus autant qu’avant. Je trouve aussi intéressant d’avoir découvert les institutions, le BIEF, Pro Helvetia, l’OFAJ, de voir que là aussi il y a des postes qui pourraient me plaire."
Cyrielle Cord-Moller : "Moi j’ai vu ce programme comme un tremplin pour la suite. En ce moment ma librairie va bien, de manière générale les libraires ont bien accompagné le numérique, qui n’était pas aussi radical qu’on ne le pensait, mais je ne sais pas comment les choses vont évoluer. Donc ce programme, je l’ai vu et vécu comme une opportunité pour pouvoir retomber sur mes pattes par la suite tout en restant dans le milieu de l’édition. Mieux connaître les marchés du livre suisse, allemand et français, maîtriser le vocabulaire spécifique de l’édition dans les deux langues et avoir fait cette expérience interculturelle est un avantage. Mon rêve, ce serait d’ouvrir une librairie bilingue sur le "Röstigraben" (la frontière entre la Suisse alémanique et la Suisse romande)."
BIEF : Puis il y avait une autre découverte pour vous en tant que participantes suisses…
Cyrielle Cord-Moller et Laura Simon : "Oui ! Voir tout d’un coup qu’il y a un échange franco-allemand qui existe depuis des décennies, c’est impressionnant. On ne le connaissait pas du tout. Ce serait bien d’avoir un tel échange en Suisse. On a beau vivre dans le même pays, les préjugés persistent et on se définit en Suisse moins par ce qu’on est que par ce qu’on n’est pas. Ainsi les Suisses romands ne veulent surtout pas être des Français, les Tessinois surtout pas des Italiens et les Suisses alémaniques ne sont d’abord pas des Allemands : un peu de médiation nous ferait du bien."