19-23 juin 2019
La volonté d’inscrire la Foire du livre de Séoul parmi les rendez-vous internationaux est manifeste : les directeurs d’une douzaine de salons du livre étaient invités et le programme proposait des focus sur divers marchés du livre internationaux. Une ouverture qui se traduit également par l’audace des jeunes auteurs coréens : n’ayant connu ni la guerre, ni la dictature, ils osent parler de violence sociale, de féminisme ou encore d’homosexualité.
La Korean Publishers Association (KPA), l’une des deux associations d’éditeurs en Corée, organisatrice du Salon, souhaite manifestement devenir un acteur important de l’édition internationale. Ainsi, une douzaine de directeurs ou représentants de salons du livre du monde ont été invités en 2019. Outre des sessions autour de sujets d’actualité comme le livre audio ou les habitudes de lecture dans le monde, le programme proposait des focus sur divers marchés du livre en Europe, en Asie, en Afrique et en Amérique latine. La France était représentée par Sébastien Fresneau, directeur de Livre Paris, qui, grâce au BIEF, a présenté les chiffres et les grandes tendances de l’édition française en 2018 et animé la table ronde sur les marchés du livre européens (République tchèque, Grèce, Italie et Suède).
L’évolution du salon
Depuis deux ans, la Corée du Sud applique une loi sur le prix unique du livre qui, entre autres, limite à 10 % (éventuellement 15 %) les remises faites par les éditeurs, à l’aide d’un système de "points fidélités". Pour les éditeurs coréens, l’un des objectifs du salon était jusque-là de liquider leurs stocks au moyen de remises parfois énormes, allant de 50 à 80 % du prix. En conséquence, une partie d’entre eux ont fait le choix de ne plus exposer au salon tandis que d’autres ont préféré réduire la taille de leur stand. C’est ainsi que les plus grands éditeurs, tels Changbi, Minumsa, Munhakdongne ou Humanis, exposaient cette année sur des espaces plus modestes. Cela dit, à défaut d’y être tous représentés par un stand, les éditeurs coréens se sont déplacés facilement au salon pour rencontrer leurs partenaires étrangers. Libérés d’éventuelles obligations avec leurs auteurs, ils ont en effet la disponibilité pour le faire.
Et les éditeurs étrangers sont nombreux à être fortement représentés à Séoul : les Taïwanais étaient probablement la délégation la plus importante, avec une cinquantaine d’éditeurs et d’agents. L’Italie avait un stand clairement destiné aux seuls rendez-vous B to B, la Hongrie en tant qu’invitée d’honneur occupait une place de choix à l’entrée de l’espace international, et l’Iran, la Russie, la République tchèque ainsi que l’Allemagne étaient représentées par les instituts culturels. Grande absente parmi les fidèles, la Japan Fondation, qui pilotait habituellement une participation collective, avait laissé les éditeurs japonais prendre des stands individuels.
La Corée du Sud, cinquième pays acheteur de droits français
Chaque année entre cinq et huit éditeurs français se déplacent à Séoul, pour participer au salon, sur le stand du BIEF. Cette année, la délégation était assez importante, avec des représentants de l’édition jeunesse (Nathan, Auzou, Fleurus et ses marques, l’agence Hannele and Associates), de l’illustré avec les éditions de La Martinière et Vigot Maloine (depuis peu enrichies avec les catalogues de Vial, Ulisse et Bornemann) et de texte avec Grasset. En outre, les éditions Zulma et l’agence 2seas Agency ont participé au programme Fellowship, organisé par la foire, et les éditions Nil ont été invitées à un programme destiné aux éditeurs acquéreurs, organisé par le Literature Translation Institute of Korea. Forcément éclipsée par les chiffres générés en Chine, la Corée du Sud est tout de même le cinquième pays acheteur de droits français. Selon les statistiques SNE/BIEF, les éditeurs coréens ont acheté 803 titres en 2018, près de 4 % de plus qu’en 2017. Si leur intérêt pour la jeunesse est resté stable, celui pour la littérature a fléchi, tandis que celui pour les ouvrages de SHS et les beaux livres a fortement augmenté.
Une nouvelle génération d’auteurs coréens
Pour accompagner le programme des auteurs français invités Jean-Gabriel Ganascia et Ivan Jablonka, le BIEF et l’Institut français de Corée avaient organisé une conférence, réunissant Amélie Louat (Zulma), Louise Quantin (Grasset) et deux éditrices des éditions Minumsa, l’une en charge de la littérature européenne et l’autre de la littérature coréenne sur l’écriture féminine, sujet qui intéresse beaucoup les éditeurs coréens. En 2017, l’affaire Weinstein a eu un grand retentissement en Corée, pays où de fortes traditions cohabitent avec une modernité galopante. Un intérêt qui en dit long sur l’édition coréenne contemporaine… Les jeunes auteurs coréens qui n’ont connu ni la guerre de Corée, ni la dictature, ni par conséquent la censure, s’attaquent à tous les sujets, de la violence urbaine et sociale en passant par le féminisme et les tabous (homo)sexuels encore très prégnants. Une certaine discrétion étant néanmoins imposée par la société, il en résulte une littérature éventuellement incisive et dérangeante, mais respectueuse de l’autre dont le regard importe toujours beaucoup.