L’édition peut-elle maintenir une activité à l’international et poursuivre la cession et l’acquisition des droits pendant la crise du COVID-19 ? Maria Vlachou, directrice du département des droits étrangers au Seuil, répond par l'affirmative. Face aux éditeurs d’acquisition "toujours disponibles, en demande et à l’écoute", son équipe fait preuve d’inventivité, même si "coordonner le service à distance n’est pas une mince affaire".
"Nous pouvons travailler, et cette phrase simple n’a jamais été aussi importante à prononcer."
"Nouvelles cessions et renouvellements, fonds et nouveautés, sciences humaines et fiction, notre activité est maintenue", témoigne Maria Vlachou qui dirige le département des droits étrangers au Seuil. Si la demande pour certains ouvrages en écho avec l’actualité est actuellement plus forte, le confinement détermine peu le choix des éditeurs étrangers. La qualité des échanges en revanche a changé…
"Mon équipe s’est retrouvée, du jour au lendemain, en télétravail. Équiper, protéger, rassurer, motiver et coordonner à distance un service dans un contexte aussi anxiogène n’est peut-être pas une mince affaire mais sûrement une incroyable aventure humaine. Accompagnés par les services transverses du groupe Média-Participations et soutenus par notre direction et nos collègues, nous pouvons travailler, et cette phrase simple n’a jamais été aussi importante à prononcer.
La crise sanitaire est mondiale, mais tous les pays ne la vivent pas de la même façon, en même temps. Si le livre ne peut pas être vendu, il peut être cédé. Les livres ont un prix et les auteurs une valeur, je ne vous apprends rien. À l’heure actuelle, l’activité est maintenue. C’est un fait, ni un artifice de communication, ni un manque de lucidité, ni un éloge naïf. Nous faisons preuve d’imagination et d’inventivité pour le suivi de nos procédures administratives et comptables et surtout pour notre stratégie de prospection. Je peux compter sur les performances renouvelées de l’équipe mais aussi sur l’élément stabilisateur de notre chiffre d’affaires, les relevés de ventes annuelles que nous recevons en masse durant le deuxième trimestre de l’année.
Par ailleurs, je suis très étonnée de l’absence du rôle des cessions de tout débat public actuel sur le secteur. Les cessions sont beaucoup plus qu’une activité dérivée à forte composante administrative et à faible composante commerciale. Elles construisent en permanence des mondes parallèles, comme une fabrique à rêves indispensable pour nos auteurs et pour nous, confirmée ou rattrapée par la réalité des ventes ; on le sait, on vit et on fait avec.
En mars et en avril, la peinture sur la toile de nos cessions reste aussi variée et ses couches aussi multiples : nouvelles cessions et renouvellements, fonds et nouveautés, sciences humaines et fiction. Mais elle n’est pas vraiment faite des couleurs du confinement. Et quelque part elle ne devrait peut-être pas. À l’exception de quelques demandes d’ouvrages dont l’écho est plus fort aujourd’hui (Pour un catastrophisme éclairé de Jean-Pierre Dupuy, La Traversée des catastrophes de Pierre Zaoui), les éditeurs étrangers privilégient les ouvrages qui questionnent notre temps aussi bien par la fiction que par le débat d’idées et qui sont d’une actualité permanente, la seule parfaitement compatible avec les délais de publication des traductions et le modèle économique des acquisitions. Autrement dit, une très grande partie du catalogue du Seuil, de Tahar Ben Jelloun à Thomas Piketty, d'Alain Mabanckou à Pierre Rosanvallon, l’éventail est aussi large que la curiosité et la diversité de nos partenaires.
Les éditeurs d’acquisition sont disponibles, en demande et à l’écoute. Si les foires et les annulations successives nous éloignent physiquement, les échanges d’emails, ce fardeau administratif d’hier, sont devenus de vrais actes de communication. Leurs demandes sont précédées ou suivies de pensées, de mots réconfortants, doux ou inquiets. Nos propositions sont accompagnées d’un vrai regard sur les textes, un moment qui devenait de plus en plus rare et dont je me réjouis pleinement."