Le réveil des féministes en Chine, la très bonne surprise des ventes fin 2020, notamment en Europe... Le BIEF vous propose une revue de presse internationale réalisée ce mois-ci en collaboration avec les Instituts français en Chine, au Portugal, en Espagne, en Italie et en Russie.
2020 a été l'année du réveil du féminisme en Chine, aussi bien sur Internet que dans les catalogues des éditeurs. Les publications sur les questions du genre, l’égalité hommes-femmes et les violences faites aux femmes ont été nombreuses dans ce pays :
"Certaines abordent la question des agressions sexuelles sur les mineurs, telle Lin Yi-Han avec Fang Si-Chi’s First Love Paradise, publié chez Beijing United Publishing Company et vendu à plus d’un million d’exemplaires. D’autres réfléchissent aux conditions de vie des femmes comme la Japonaise Shiori Ito et La Boîte noire, publié en traduction chinoise chez CITIC Publishing Group (et en français aux éditions Philippe Picquier), ou encore l’auteure américaine d’origine chinoise Chanel Miller avec Know My Name: A Memoir, récemment traduite en chinois chez Shanghai People’s Publishing House et qui raconte l’agression sexuelle qu’elle a subie à l’Université de Stanford. Enfin, des ouvrages comme Ces hommes qui m'expliquent la vie de Rebecca Solnit, publié en chinois chez People’s Literature Publishing House (également publié en français par les éditions de l'Olivier), traitent des inégalités hommes/femmes en dénonçant notamment le monopole masculin des décisions prises à tous les niveaux de la société."
Zuo Shu, Pékin, 30 décembre 2020, extrait de l’article Un point sur l’édition en 2020
En Espagne, le marché du livre a résisté à la crise malgré la fermeture des librairies et l’annulation des foires se réjouit Miguel Aguilar, directeur littéraire des maisons d’édition Debate, Taurus et Literatura Random House, qui remarque "un réel regain d'intérêt pour la lecture" dans son pays :
"La pandémie a provoqué la fermeture de tous les commerces non-alimentaires pendant deux mois et demi. [La fête du livre] Saint Jordi à Barcelone qui est un moment-clé pour les ventes de livres n’a pas eu lieu, tout comme la Foire du livre de Madrid et la plupart des foires dans les capitales de province. En outre, les maisons d’édition ont dû réduire leurs publications. Malgré tout, les chiffres de l’édition sont très bons et nous avons atteint nos objectifs. Je pense que le marché dans son ensemble a peu souffert par rapport à 2019, qui était déjà une très bonne année. La réponse de la population à la pandémie a été de lire davantage comme en témoignent les chiffres de ventes en librairie. Il y a eu un réel regain d’intérêt pour la lecture parce que nous passons plus de temps à la maison."
Vozpópuli, Madrid, 16 janvier
Au Portugal le réseau des librairies indépendantes, RELI, juge "insuffisantes" les nouvelles mesures d’aides annoncées en janvier par le gouvernement pour atténuer l’impact de la pandémie sur le secteur culturel, rapporte l’Observador :
"La position du RELI fait suite à l'annonce du programme de soutien à la culture qui comprend une dotation globale de 42 millions d'euros. Le budget des bibliothèques pour l'achat de livres dans les librairies de proximité a été augmenté de 100 000 euros. (…) S'il est vrai que le gouvernement a cette fois-ci étendu l'interdiction de la vente de livres à d'autres réseaux, notamment les super et hypermarchés, il n'en reste pas moins vrai que cette seule mesure n'éliminera pas le risque de disparition des librairies locales, souligne RELI."
L’Observador, Lisbonne, 16 janvier
Il Giornale della Libreria, en Italie, se demande ce qui restera après la pandémie des expériences numériques auxquelles nous avons été confrontés en 2020 :
"Si le numérique reste, il faut espérer qu'à l'issue de l'état d'urgence soit mis de l'ordre dans [ces nouvelles habitudes], en distinguant ce qui s'est avéré utile de la prolifération incontrôlée des conférences en ligne et des vidéos en direct qui ont souvent pour effet de nous désorienter (…) Les grandes foires resteront des moments de rencontres essentielles pour découvrir de nouveaux éditeurs et auteurs (…) Toutefois, les expériences de salons en ligne menées en 2020 laisseront un précieux héritage numérique, qui pourra également être exploité lorsque les éditeurs et le public se retrouveront dans les halls d'exposition (…) En revanche, les éditeurs jeunesse semblent moins convaincus de la pérennité des événements en ligne destinés aux enfants, tels que les lectures vidéo, très populaires pendant le confinement : à la fois en raison des difficultés liées aux droits, notamment pour les œuvres étrangères, et de la nécessité pour les jeunes lecteurs d'avoir une relation directe et physique avec le livre et l'auteur."
Il Giornale della Libreria, Rome, 21 janvier
De son coté, en Russie, l’auteur Ludmila Oulitskaïa, lauréate du prix Médicis étranger pour Sonietchka en 1996, explique ce que ces nouvelles expériences digitales signifient pour elle qui a vécu une tout autre forme de distanciation à l’époque de l’Union soviétique :
"J’ai grandi en Union soviétique, les frontières étaient inviolables. Quand j’étais jeune, mon rêve était d’aller en Crète, c’était presque comme se retrouver au cœur d’une légende de la mythologie ! Le principal événement de notre vie, pour ma génération, a été l’ouverture des frontières. En Russie dans les années 70, beaucoup de gens ont choisi l’exode, les adieux étaient des adieux pour toujours, on quittait les gens en sachant qu’on ne les reverrait jamais, il était difficile de correspondre par lettre et encore moins par téléphone. Maintenant on appuie sur une touche et un visage ami apparaît. Les relations ne meurent pas et on conserve une proximité. Bien sûr c’est une période sans précédent mais les gens se sont rapprochés grâce à cette technologie fantastique qui permet d’abolir les distances. C’est un miracle auquel je ne me suis pas encore habituée."
Interview de Ludmila Oulitskaïa, réalisée par Christel Vergeade, attachée de coopération dans le domaine du Livre à l’Ambassade de France à Moscou, janvier 2021